CULTURE : USA ATTACK
Par Jean Luc Gonneau
Il n’y a pas de trêve des confiseurs pour les offensives américaines.
Nous assistons depuis quelques mois à une offensive sans précédent
des Etats-Unis pour obtenir une hégémonie culturelle au niveau
mondial. Certes, depuis la fin de seconde guerre mondiale, les Etats-Unis n’ont
jamais cessé d’essayer d’imposer leurs produits, surtout
dans le domaine de l’audiovisuel : on se souvient ici des accords dits
Blum-Byrnes, qui préservaient, tant bien que mal, la production française
de l’envahissement par les films américains, envahissement réussi
par ailleurs dans bien des pays européens. Plus récemment, relayés
en cela par des marchands de musique locaux, les Etats-Unis firent un lobbying
discret, mais puissant, pour tenter d’éliminer les quotas minimaux
de musique nationale que voulurent mettre en place divers pays d’Europe.
La mondialisation a donné des ailes à cette offensive. Depuis
toujours, la vision américaine de la culture l’assimile, contrairement
à celle qui prédomine encore en Europe, à un secteur marchand
comme les autres. Audiovisuel, spectacle vivant, livre même, tout cela
est de l’entertainment, du divertissement. Cette vision n’est évidemment
pas partagée par tous les citoyens américains, et nous savons
bien ici mesurer l’apport majeur des Etats-Unis à la création
culturelle dans le monde. Nous avons pu mesurer la désolation de bien
des créateurs ou universitaires américains face à cette
notion dominante de culture-entertainment.
L’offensive américaine passe notamment par l’UNESCO. Pour
la culture comme pour l’éducation, les Etats-Unis tentent de vider
de leurs contenus les chartes préparées par cet organisme, considérant
ces secteurs comme biens communs de l’humanité, devant être
protégés du marché. Il semble qu’aujourd’hui
une vaste coalition, englobant notamment l’Allemagne, le Brésil,
le Canada, la Chine, la France, l’Inde soit en état de mettre en
échec les tentatives américaines, mais rien n’est encore
joué. Pour résumer un peu abruptement le débat, la question
est de savoir si les échanges culturels doivent être organisés
à partir de la future charte, non-marchande, de l’UNESCO, ou être
traités dans le cadre, bien entendu marchand, de l’OMC.
Et les Etats-Unis tentent par ailleurs de tourner une éventuelle charte
en négociant dans le monde entier des accords bilatéraux. Très
récemment, une tentative de mainmise sur le cinéma marocain émergent
a échoué de justesse. En Corée du Sud, qui a pu développer
un cinéma national dont la qualité a depuis quelques années
franchi les frontières, grâce à une politique de quotas
(40%) de films nationaux sur les écrans, est sommée de réduire
ce quota de moitié sous peine de représailles commerciales. Deux
exemples parmi de nombreux autres. Chantages et business, voilà les fondements
de l’offensive culturelle américaine. Face à cela, une fois
de plus, l’Europe peine à faire front commun : les Pays-Bas, la
Grande-Bretagne sont sur les positions américaines, l’Italie vient
de décider de réduire l’aide publique au cinéma indépendant
(traduire en italien : indépendant de Berlusconi).
En France, ce sont les créateurs qui avaient lancé la résistance
à l’AGCS. Nous avons confiance dans leur mobilisation. Mais celle-ci
doit être relayée par les citoyens, à travers les associations,
les partis politiques, les syndicats. Nous appelons donc à la vigilance.
Contact : La Gauche
jean-luc-gonneau@wanadoo.fr
Jean-Luc Gonneau est président de Résistanee Art, co-président de la Coordination nationale de la Gauche Républicaine (CNGR) et membre du conseil national de Pour la République Sociale (PRS).