Débat dans la LCR :

UNE STRATEGIE SECTAIRE

 

            La phase actuelle de développement du capitalisme se traduit par une volonté acharnée de détruire tous les acquis sociaux qui avaient été arrachés dans notre pays par les luttes de 36 et de l’après guerre. C’est le programme du Conseil National de la Résistance qui est remis en cause par le gouvernement le plus réactionnaire que notre pays ait connu depuis Vichy.

             La destruction systématique de ces acquis sociaux, entreprise depuis des décennies par les gouvernements successifs, conjuguée à l’absence d’espoir d’abattre le capitalisme, est le terreau sur lequel prospère le Front National.

             Construire l’espoir, se sortir de la mortelle alternance entre une droite conséquente dans ses choix politiques et une gauche social libérale engendrant la désespérance passe par l’apparition d’un vaste mouvement politique anticapitaliste, écologiste, féministe, altermondialiste, mouvement dans lequel l’idée du combat communiste retrouverait son sens auprès de larges couches de la population.

             Notre courant, historiquement, s’est toujours voulu partie prenante de la lutte pour une société communiste, mais s’est retrouvé exclu et marginalisé par les trahisons staliniennes. Le communisme « réellement existant » s’est effondré en 89, provoquant une crise sans précédent dans le PCF, crise que nous attendions et prédisions depuis des décennies. Des milliers de membres de ce parti l’ont quitté. Beaucoup d’autres s’interrogent et refusent la politique d’accompagnement de la social-démocratie appliquée par la direction du PCF.

             Mai et juin 2003 ont vu se développer des luttes d’une grande ampleur, sans précédent depuis 1968 et 1995, luttes qui ont permis d’avancer d’une manière concrète la nécessité de la grève générale. Luttes qui ont mis cruellement en lumière à quel point ce mouvement social était orphelin d’une traduction politique.

             La motion de notre dernier congrès qui a obtenu le plus grand nombre de voix se donnait pour tâche l’avancée vers la construction d’un grand mouvement anticapitaliste à la gauche de la social-démocratie. C’est à l’aune de ces trois données : crise sans précédent du communisme stalinien, luttes sociales et mouvement altermondialiste importants, notre orientation de construction d’une alternative anticapitaliste qu’il convient de porter un jugement sur notre tactique d’alliance avec LO et des résultats obtenus lors des régionales de 2004.

             La majorité de la LCR n’a eu de cesse d’expliquer que la situation politique n’était pas mûre pour que nous agissions de manière volontariste en proposant la construction d’un mouvement large anticapitaliste. Pendant ce temps-là elle verrouillait un accord avec LO en faisant le chantage : LO ou l’isolement. Force est de reconnaître que les expériences de Marie-Georges Buffet en Ile de France et des alternatifs en Midi-Pyrénées sont loin d’être des échecs. On peut par contre se demander si le score d’Olivier et Arlette réunis est un succès. L’image de notre porte parole préféré a, du fait de l’orientation choisie, été brouillée. Un pas vers le retour à la marginalité a été franchi.

             Notre discours sur le refus d’appeler à voter à gauche au deuxième tour sans comprendre l’exaspération des gens avec lesquels nous avons lutté en mai et juin 2004 est proprement extraordinaire. Les gens en 2002 pouvaient être exaspérés par la gauche plurielle, en 2004 ils le sont par la droite. Fallait-il également refuser toute tentative d’accords électoraux, étant entendu que si la liberté de vote de nos élus éventuels n’était pas possible (cf Toulouse) aucun accord n’était possible ? Fallait-il camper sur des positions nationales figées en s’interdisant de peser, voire même d’exister dans les cantonales, alors qu’un espace pour des regroupements larges sur la base du travail local pouvaient peut-être s’ouvrir ?

             En résumé, la LCR est plus mal placée qu’auparavant pour être à l’origine du mouvement anticapitaliste à construire, le PCF a su au contraire se ménager plusieurs orientations possibles, dont celle-là. Quant au combat contre la social-démocratie, l’efficacité de la ligne adoptée n’est peut-être pas aveuglante au vu du résultat de ces élections.

             Dans le contexte des élections européennes, comment allons-nous nous situer dans la  nécessaire mobilisation (conformément à la motion votée en congrès) pour un référendum sur la constitution européenne ? N’allons-nous pas de nouveau nous marginaliser dans le corsetage imposé par l’accord avec LO ? Les contradictions entre les orientations des différentes motions du congrès que nous avions alors dénoncées apparaissent aujourd’hui dans les faits : la conséquence en est que l’application des motions les plus majoritaires reste un vœu pieux.

             Nous attendons que les camarades de la majorité précisent quelles sont les conditions permettant de prendre des initiatives en vue d’appliquer la motion la plus majoritaire du congrès sur la construction d’une force à la gauche de la social démocratie. Les occasions ne se représentent pas nécessairement, l’Histoire ne repasse pas indéfiniment les plats.

  

                                                                                         Michel et Michèle Pujos