Je cours le monde
pour voir, les révolutions, comme on court les femmes des bouges et
des encoignures; pour vivre le vertige des hommes lancés dans
l'anéantissement du monde qui les a fait.
La révolution ne me vient pas de terres lointaines, elle suinte de
mon Europe usée, elle jaillit de chaque image où la vie me donne à
voir la mort qu'elle attend. Je veux voir la fin du monde. Je
l'attends dans les gares de Paris, de Turin, sur les docks de Gênes,
dans les chaos d'Athènes... La révolution qui m'entraîne est urbaine,
elle est mécanisée, industrialisée. Elle habite les grandes gares,
les journaux, le téléphone. C'est un acte de violence souverain, un concentré
d'autorité où la Raison semble agir d'elle même dans les corps
déformés des hommes qui cessent d'être foule. C'est le rire, l'âge de l'instant infini.
Et partout où je passe, je cherche les traces que l'Orient a
laissées.
Sur sa terre, Dyonisos est clandestin.
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Tout devient désert et la porte s'ouvre sur la rue éblouissante. Au
coin d'une place, hissé sur une borne, un homme s'adresse à tous:
"Nous sommes seuls camarades!". Moi aussi je veux parler, et dans un
tremblement, je dis: "Je viens de naître! On fête ce jour de la
naissance, mais dans le fond, il devait être un jour des plus
terribles de l'existence... peut être même plus terrible que
disparaître de ce monde."
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